Cimetière Russe de Sainte-Geneviève-des-Bois
En 1905 une révolution éclate en Russie. La France devient alors une terre d’exil pour les émigrants russes. En région parisienne, l’immigration russe est particulièrement renforcée par la Guerre Civile de 1917 causée par la révolution bolchévique. Avec la montée au pouvoir du nazisme avant même la Seconde Guerre mondiale, de nombreux réfugiés russes, juifs et orthodoxes s’installent également en France.
En quittant la Russie en 1919, la princesse Vera Kirilovna Mestchersky (1876-1949) et Miss Dorothy Paget (1905-1960) établissent une Maison de retraite. Le domaine est acquis par cette dernière. Au XIXe siècle, la demeure appartenait à Agathon Jean François Fain (1778-1836), secrétaire-archiviste de Napoléon Ier (1804-1814). Destiné à accueillir les immigrés les plus démunis, la Maison Russe est inaugurée le 7 avril 1927. Ce domaine est aujourd’hui appelé la demeure de la Cossonnerie, est depuis 2012 un monument historique, et sert d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Source photo : eglise-russe-ste-genevieve-des-bois.eu
Nécropole
Ce cimetière, aujourd’hui nécropole, s’est établi progressivement près de la Maison Russe. Cela s’explique par la forte demande des émigrés russes d’être enterrés au plus près de leur foi. Situé à Sainte-Geneviève-des-Bois (en Essonne), il est aujourd’hui considéré comme un véritable “coin de Russie”. Il se compose de 5 220 tombes individuelles et collectives d’aristocrates, de célébrités, d’artistes, de militaires ou encore de résistants. Il s’agit de la plus grande nécropole orthodoxe située hors de Russie. La princesse Mestchersky, fondatrice de la Maison de retraite repose dans la tombe n°386.
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La princesse Antonia Raphaelovna Romanoff (1890-1950) y repose également. Elle est enterrée dans la tombe n°2502 avec son époux, le Grand-duc Gabriel Constantinovitch Romanoff (1887-1955). En 1918, il est arrêté par les Bolcheviks puis emprisonné dans la forteresse Pierre et Paul. Elle réussit à le faire libérer en 1919 en usant de ses contacts. La même année, ils s’expatrient en France. Cependant, Antonia décède en 1950 et son mari épouse Irina Ivanovna Romanoff (1903-1993) l’année suivante. Irina ne souhaitant pas être enterrée avec son époux et sa première femme, elle repose dans la tombe n°2925.
De même, Le Grand-duc André Vladimirovitch Romanoff (1879-1956) repose au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois. Il est l’arrière-petit-fils du tsar Nicolas Ier (1825-1855). Ayant étudié le droit, il est connu comme le “juriste de la famille Romanoff”. Il fuit la Révolution russe en 1920 avec sa mère et sa futur femme, Mathilde Kechessinkaïa (1872-1971), qu’il épouse l’année suivante. C’est dans le sud de la France que la petite famille s’exile. La tombe n°3103 regroupe André, sa femme Maria et leur fils adoptif, le Prince Wladimir Romanoff (1902-1974).
Église
L’église orthodoxe est dédiée à Notre-Dame de la Dormition (anciennement de l’Assomption). Elle est consacrée en 1939 par le métropolite Euloge (crypte n°2). Le bâtiment est érigé par l’entrepreneur Jules Despeyroux sur les plans de l’architecte Albert Alexandrovitch Benois. Sa femme Margarita Alexandrovna est à l’origine des décors pariétaux peints dans l’église et dans la crypte.
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Une clôture peinte annonce l’entrée dans le domaine religieux. Elle présente la tête de Jésus-Christ inscrite dans un médaillon entouré de deux archanges nimbés. Leurs mains couvertes sont positionnées devant leur tête, peut-être en signe de prière. Cette représentation annonce l’épisode de la Passion du Christ et son sacrifice sur la croix faisant de Jésus le Sauveur selon la tradition chrétienne.
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Église blanche au toit bleu, elle présente un dôme en bulbe aussi appelé “oignon”. Cette forme est caractéristique de l’architecture orientale et se retrouve sur les églises russes. En effet, l’orthodoxie étant apparue au XIe siècle au Moyen-Orient et dans l’Europe de l’Est, ses représentations empruntent leurs caractéristiques à ces deux régions du monde. La façade principale de l’église présente un portail composé de marches, d’une porte à double battant dont l’arche présente une ornementation.
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Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale.
La crypte regroupe quatorze sépultures dont deux sont actuellement vides (cryptes n°13 et n°14). Dans cette crypte, sont enterrés de nombreux religieux : des métropolites, archevêques, évêques et archiprêtres. Cependant, reposent également dans cette crypte des figures importantes de l’histoire russe. Ainsi, dans la crypte n°4 reposent Anne et Vladimir Kokovtsov, ministre de Russie entre 1911 et 1914. Y reposent également l’architecte Albert et son épouse Margarita dans la crypte n°9.
Ornementation
Au-dessus de cette porte se trouve une fenêtre aveugle ornementée. Elle repose sur la porte principale telle une couronne ou un couvre-chef. Peut-être la forme est-elle inspirée du koukoulion, un couvre-chef porté par les moines orthodoxes qui peut recevoir une croix à son sommet. Sur un fond bleu se tient le Christ devant le lit où repose Marie, voilée et vêtue de bleu. Ce décor représente la Dormition, soit le moment de la mort de Marie. Dans la tradition orthodoxe, cet événement est plus souvent mis en avant que l’Assomption.
©Cyrilb1881. Source photo : Wikipedia commons.
En effet, l’Assomption représentant l’élévation de la Vierge au cieux est imprégnée du dogme de l’Immaculée Conception. L’Assomption correspondant donc plutôt à la tradition catholique, est souvent représentée par Marie accompagnée des anges. Le dogme de l’Immaculée Conception ne faisant pas partie de la tradition orthodoxe, Marie décède comme une mortelle devenue sainte et est accueillie par le Christ. C’est sa liberté humaine d’avoir acceptée la vocation divine qui est célébrée dans l’orthodoxie.
Croix orthodoxes
La croix orthodoxe, ou croix de crucifixion, est composée de huit branches et de l’inscription INRI (Iesus Nazarenus Rex Iudæorum) soit “Jésus de Nazareth, Roi des Juifs”. Visant à ridiculiser le Christ, cette inscription des Romains est un symbole de la Passion du Christ au même titre que la couronne d’épines.
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En crucifiant le Christ, les Romains lui auraient fait porter la couronne d’épines typiquement romaine pour renforcer la moquerie. Le nombre de huit branches en comparaison aux quatre branches de la croix chrétienne latine, s’explique par la tradition orthodoxe qui admet la séparation des pieds du Christ lors de sa crucifixion selon les marques du Suaire de Turin.
De plus, les icônes orthodoxes empruntent les caractéristiques des représentations des icônes byzantines comme les grands yeux, des figures élancées, des visages ovales, les bijoux et l’or comme signes ostentatoires (exemples dans la galerie photos associés avec cet article). Les représentations des icônes russes reprennent aussi la technique des mosaïques byzantines.
Conclusion
Le cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois est un lieu riche de la culture orthodoxe et de l’histoire russe. Il témoigne des nombreux hommages rendus aux soldats de la Révolution et des guerres mondiales par la disposition des carrés militaires. Ce patrimoine est cependant menacé par le manque de financement pour la restauration urgente des peintures de la crypte de l’Église. Un appel aux dons est donc lancé depuis 2022 : https://www.eglise-russe-ste-genevieve-des-bois.eu/fr/dons.
Chloé BANULS
Bibliographie
- Les Amis de l’Histoire de Sainte-Geneviève-des-Bois et ses environs, La nécropole russe de Sainte-Geneviève-des-Bois, Collection Lignes intérieures, Editions Vulcano, 2008.
- Les Amis de l’Histoire de Sainte-Geneviève-des-Bois, Un coin de Russie à Sainte-Geneviève-des-Bois, Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne) : Les Amis de l’Histoire de Sainte-Geneviève-des-Bois et de ses environs, 2020.
- https://www.eglise-russe-ste-genevieve-des-bois.eu/fr/historique