Histoire en balade

Dans les secrets d’une église à Amsterdam
Notre Seigneur dans le grenier

Au milieu du XVIe siècle, la lutte contre la domination espagnole catholique s’intensifie aux Pays-Bas. La révolte se trouve un chef de file en la personne de Guillaume d’Orange. En 1578, le gouvernement catholique d’Amsterdam est déposé. Les protestants prennent le pouvoir et les catholiques se retrouvent relégués au second plan. Il s’instaure alors la question de la liberté de culte.

Priez, mais ne vous faites pas voir !

La mise en place du gouvernement calviniste permet la liberté de culte sous réserve qu’elle reste secrète. Les catholiques ne sont pas persécutés ni contraints à se convertir au calvinisme, mais il leur est interdit d’afficher publiquement leur confession religieuse.  Cette situation perdure jusqu’au rétablissement de la hiérarchie épiscopale jusqu’en 1853.

Mais devant cette interdiction et face à la confiscation des églises pour les dédier au culte protestant, comment les catholiques pouvaient-ils se réunir pour prier ?

Les maisons à Amsterdam sont connues pour leur hauteur. Les greniers sont des lieux qui permettent de cacher ce que l’on ne veut pas qui soit vu. C’est ainsi que des églises se développent dans ces greniers, loin des regards de la rue.

Amsterdam conserve une de ces églises, dans une maison de maître de plus de trois cent cinquante ans. En 1661, Jan Hartman achète la maison de canal sur l’Oudezijds Vooburgwal (canal d’Amsterdam), ainsi que deux habitations situées à l’arrière sur le Heintje Hoekssteeg (quartier de la ville). Il fait relier les étages des trois maisons. Ces travaux lui permettent d’aménager une église au sixième étage, pouvant recevoir cent cinquante fidèles.

 

Autel de l’église © HEB
Autel de l’église © HEB

Prière cachée mais prière organisée !

La possession d’une église dans le grenier de sa maison générait des revenus. Ainsi, Jan Hartman loue son église à un prêtre du nom de Petrus Parmentier. Jan Hartman fait le commerce du lin et recouvre des impôts sur le vin, ce qui lui permet de fournir le vin pour la messe. Les propriétaires de ces églises étaient surtout limités par rapport à l’espace, ils devaient faire des choix sur les images, statues et tableaux. Toutefois cela ne les empêchait pas de garnir leurs églises, qui disposaient de tout le nécessaire liturgique.

L’église Notre seigneur au grenier n’est plus celle que Jan Hartman a connu, mais elle est à l’image de la restauration entreprise en 1862. L’autel et la chaire sont de style baroque avec des colonnettes marbrées. Le retable est l’œuvre d’un peintre d’Amsterdam, Jacob De Witt, actif au XVIIe siècle. La scène représente Dieu le père dans les cieux qui observe le baptême de Jésus par Jean le Baptiste.

La musique était, elle aussi, au rendez-vous grâce à la présence d’un orgue. L’exemplaire conservé est un orgue datant de 1794, réalisé par le facteur d’orgues Hendrik Meyer.

Vêtement liturgique
Vêtement liturgique © HEB

L’église dispose d’une sacristie où le prêtre se prépare à la célébration de la messe. Une armoire et une « commode de crédence » sont remplies de vêtements sacerdotaux et d’étoffes de cérémonie.

Le prétoire ne manque pas à cette église. Dans une pièce en arrière, les fidèles pouvaient se confesser comme dans une église traditionnelle.

Une pièce est transformée en chapelle dédiée à la Vierge Marie. Le manque de place sur l’autel pour la Vierge conduit à la création d’une chapelle en arrière de l’église. 

Cette église a réuni pendant près de deux cents ans des fidèles qui venaient prier en toute discrétion. Ils empruntaient un escalier dédié, indépendant de la maison d’habitation des propriétaires. Elle est le symbole de la survie des catholiques, mais aussi celui de la résilience. L’âge d’or néerlandais est synonyme de persécutions et de discrimination envers les non-réformés. Les catholiques représentent cette capacité d’adaptation à une injonction, puisqu’ils sont parvenus à garder leur liberté de conscience tout en restant très discrets. Quinze ans après la création de cette église, en 1675, la communauté juive portugaise d’Amsterdam fait construire la plus grande synagogue au monde, témoignage de la liberté de culte de ces derniers dans la ville, contrairement aux catholiques qui doivent se cacher.

Les toits et le clocher de l’église ST Nicolas vus de Notre seigneur sous le grenier
Les toits et le clocher de l’église ST Nicolas vus de Notre seigneur sous le grenier
© HEB

Et maintenant ?

Aujourd’hui, la maison et l’église sont devenues un musée que la ville d’Amsterdam prend soin de préserver. La maison est le témoin de la réussite d’un catholique à Amsterdam, mais aussi des habitudes de vie des un des plus beaux tableaux au travers d’une maison d’habitation du XVIIe siècle aux Pays-Bas.

L’église a été utilisée jusqu’en 1853, date à laquelle la hiérarchie épiscopale est rétablie. En 1888, une association de citoyens catholiques sauve le bâtiment de la démolition. L’église et la maison sont aujourd’hui le deuxième musée d’Amsterdam le plus visité après le Rijksmuseum.

Noémie PICOT

Bibliographie

  • Versloot Anne, Notre seigneur au grenier, Lectura Cultura BV, Amsterdam, 2015, 60 p.
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