François Gérard et la peinture néo-classique
La peinture de François Gérard (1770-1837) s’inscrit parfaitement dans le courant néo-classique. Élève de Jacques-Louis David (1748-1825), il est l’une des figures de la peinture académique. Il est surnommé “le peintre des rois, le roi des peintres” car il est le portraitiste de toutes les familles souveraines d’Europe. Son académisme s’illustre par cette toile, Psyché et l’amour (huile sur toile, musée du Louvre, 186 x 132). Elle est exposée au Salon de 1798 et répond à tous les critères de la peinture académique de son temps.
L’Amour et Psyché
Le thème de cette œuvre est classique puisqu’elle traite un sujet mythologique, Psyché, d’une grande beauté, victime de la jalousie de Vénus, est abandonnée sur un rocher au sommet d’une colline et doit attendre que son futur époux, un monstre, vienne la chercher. Seulement, c’est l’Amour, fils de Vénus, qui vient vers elle et non un monstre. C’est ce passage que le jeune peintre François Gérard représente dans ce tableau. Le mythe de Psyché est aussi bien représenté en peinture qu’en sculpture.
Au Salon de 1798, l’œuvre rencontre un grand succès et Jean-Auguste Dominique Ingres déclare qu’il s’agit d’un des plus beaux tableaux de l’École de France.
Cette représentation du mythe permet de respecter l’idéal néo-classique. La quête de la beauté parfaite s’illustre ici à la perfection. A une époque où la découverte des fresques de Pompéi stimule l’érudition et renforce la quête de la perfection antique, le mythe de Psyché respecte les codes du néo-classicisme. La blancheur de la peau telle que celle des statues grecques en marbre, dont on ignorait en cette fin du XVIIème siècle qu’elles étaient auparavant polychromes, accompagnée d’un chignon parfaitement élaboré, suivent les critères de ce mouvement artistique. Ainsi, les écrits de Winckelmann (1717-1768), précurseur du néo-classicisme sont ici respectés. Celui-ci souhaitait mieux faire connaître le marbre blanc et s’opposer à l’esthétique baroque et rococo.

Le corps dans la peinture néo-classique
La représentation du corps féminin idéalisé respecte aussi les codes néo-classiques. L’absence de pilosité en est une marque. Les nus de cette période représentent toujours un idéal de beauté. Les Vénus, nombreuses en cette période néo-classique, sont toujours représentées sans pilosité. Cette pilosité, jugée vulgaire, aurait pu heurter le public et on ne retrouve celle-ci que plus tardivement chez Delacroix, avec son tableau La Liberté Guidant le peuple (1830).
Psyché, en cette position verticale, rappelle plusieurs Vénus de ce courant néo-classique. La Vénus de Théodore Chassériau (1838, Vénus marine, Louvre, 65×65), Amaury Duval (1862, La naissance de Vénus, Lille, 197 x 109) et William Adolphe Bouguereau (naissance de Vénus, 1879, Orsay, 300 x 217). Les canons de beauté antique sont alors respectés.
Le mythe de Psyché dans l’histoire de l’art
Le mythe de Psyché est aussi représenté en sculpture. En effet, le peintre Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823) traite aussi ce sujet à travers une Psyché horizontale enlevée par des Putti. Psyché ranimée par le baiser de l’amour, du sculpteur Antonio Canova (1757-1822), traite le sujet avec toute la grâce antique. L’Amour d’une grande beauté, donne un baiser à Psyché, de la même manière que François Gérard. La douceur et la délicatesse sont de mise.
Ce mythe antique s’inscrit à plusieurs reprises dans la littérature. Symbole de l’amour, Psyché inspire des auteurs tels que Jean de la Fontaine (1621-1695) dans son œuvre Les amours de Psyché (1669). Il reprend le mythe d’Apulée (125-180), ici revisité en faisant une critique de la cour de Versailles. Toutefois, dans son poème Eloge de l’amour, La Fontaine rappelle parfaitement la beauté de Psyché ainsi que l’importance du rôle de l’Amour.
Tout l’Univers obéit à l’Amour ;
Belle Psyché, soumettez-lui votre âme.
Les autres dieux à ce dieu font la cour,
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme.
Des jeunes cœurs c’est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.
La douceur du poème se retrouve dans la douceur du geste de l’Amour à Psyché. Ce mythe fait référence à cet amour entre une belle femme non divinisée et l’Amour divin. Il s’agit ici de l’union de l’âme humaine et de l’amour divin entre ces deux êtres. La fragilité de la vie est aussi représentée par le papillon, symbole de la vie éphémère. Ce papillon et l’Amour sont aussi représentés en sculpture à travers l’œuvre d’Antoine-Denis Chaudet (1763-1810). Cette allégorie s’inscrit parfaitement dans la peinture néo-classique.
A travers cette œuvre, François Gérard respecte avant l’heure l’académisme qui devient de rigueur dès 1816, avec l’ouverture de l’Académie des Beaux-Arts, qui impose la référence à l’antique comme référence absolue.
François Gérard, maître du néo-classicisme
François Gérard se présente alors comme un peintre de bon goût et entre dans le courant charmant qui perdure tout au long du XIXème siècle. La composition du tableau Psyché et l’Amour correspond aux codes du néo-classicisme. Les personnages sont représentés au premier plan occupant la majorité de la composition, tel que Mlle Rivière de Jean-Auguste Dominique Ingres, peintre typique du néo-classicisme.
Le paysage en arrière-plan se compose essentiellement de deux couleurs, le bleu et le vert laissant alors la clarté aux deux personnages. Ce souci de clarté, nous ramène à cet aspect glacé des statues antiques et rappelle alors la perfection physique. La composition s’inscrit dans un triangle, telles que les Vénus verticales de l’époque.
Les couleurs, douces, bleu pour le fond accompagnées du vert, offrent un contraste avec la blancheur des corps. Cette blancheur est rappelée par le voile sur les jambes de Psyché, faisant référence aux tenues légères de l’Antiquité.
La lumière est concentrée sur les deux personnages et le papillon au-dessus d’eux. Elle rappelle celle de Pierre Paul Prud’hon dans Psyché enlevée par les zéphyrs (1808). Elle se concentre sur les personnages, afin de refléter leur blancheur antique.
La représentation de ce mythe de l’époque antique s’accorde avec le mouvement néo-classique selon les volontés de Winckelmann et correspond aussi aux intentions esthétiques de Jacques-Louis David. “J’ai entrepris de faire une chose toute nouvelle […] je veux ramener l’art aux principes que l’on suivait chez les Grecs”. Ainsi le traitement de cette pureté glacée nous conduit de nouveau aux statues grecques antiques. L’abstraction froide de ces deux personnages laisse apparaitre une suggestivité érotique qui est également soulignée par la technique employée.
L’aspect porcelaineux entre dans la technique utilisée par les peintres néo-classiques afin de souligner la référence aux nus antiques. En effet, le caractère lisse ne laisse pas apparaître les coups de brosses et laisse supposer l’utilisation de glacis. Cette technique est associée aux contours bien dessinés. Les corps de formes épurées et le décor sobre s’opposent au rococo trop chargé et entrent ici dans la tradition néo-classique qui perdure tout au long du XIXème siècle.
François Gérard offre ici une peinture s’ouvrant sur la pureté des sentiments.
Noémie PICOT
Bibliographie
- Eitner Lorenz, La peinture du XIXe siècle en Europe, Paris, Hazan, 2007.