Guillaume Mercader : un héros local
Guillaume Mercader naît en 1914 à Urdos dans les Pyrénées. En 1939, la seconde guerre mondiale éclate et il est mobilisé. Il doit donc fermer son magasin de cycles pour aller combattre dans le 3e régiment de la Légion étrangère. Au moment de l’armistice du 22 juin 1940, il fait partie des unités qui étaient parvenues à continuer le combat alors que de nombreux régiments étaient en déroute. De retour à Bayeux, le jeune sergent garde en mémoire l’appel du 18 juin 1940. Décoré de la croix de guerre et démobilisé, il retourne à la vie civile auprès de sa famille et réouvre son magasin de cycles.
Une rencontre fortuite
											Source : Memoire du cyclisme
Guillaume rencontre Maître Robert Delente, en février 1941. Ce dernier fait part à Guillaume de son activité dans la résistance. Une semaine après ce premier contact, il rencontre le chef d’état-major de l’OCM (organisation civile et militaire) en Normandie à Caen : Eugène Meslin, devenu responsable des réseaux du Calvados, de la Manche et de l’Orne se fait appeler « Commandant Corbin » et rencontre régulièrement Guillaume Mercader devenu « Mercier ».
A Bayeux, Monsieur Delente demande à Guillaume la création d’un réseau de renseignement dans le Bessin. Plus précisément, il se voit confier la charge de recruter des personnes de confiance sur le secteur côtier, dans les communes de Courseulles, Port en Bessin, Grandcamp-Maisy, Arromanches et Isigny. Ainsi Guillaume, sans en avoir conscience, dès mars 1941, participe à la préparation du débarquement du 6 juin 1944. Le secteur qu’il couvre correspond au front sur lequel les Américains et les Anglais arriveront par la mer et par les airs.
OCM : Un réseau actif
La mission du réseau est de collecter des renseignements d’ordre militaire : le comportement de troupes d’occupation, leurs mouvements, leurs cantonnements etc…
Le réseau est composé d’une diversité de personnes appartenant à différents corps de métiers, à différentes classes sociales et à différentes obédiences politiques. Il ne s’agit pas de professionnels du renseignement, mais de commerçants, de curés, d’organistes, d’avoués. Tous œuvrent pour un seul et même objectif : retrouver leur liberté.
OCM et ses actions
OCM a une structure pyramidale. Il compte trois agents de liaison, dont Jacques Soufflant et Olivier de Brainville, qui se répartissent le territoire et font remonter les informations à Guillaume Mercader. Il faut être très prudent et profiter de toutes les opportunités. Ainsi, Guillaume continue de retirer auprès de la fédération de cyclisme sa licence. Cela lui permet de prétexter auprès des Allemands qu’il s’entraîne. En réalité, il observe, collecte des renseignements dans ses boîtes aux lettres et prend des notes qu’il cache dans le tube de sa selle. Il est ainsi couvert pour ses déplacements vers la côte dont l’accès est très réglementé.
En octobre 1943, Guillaume Mercader fait une rencontre importante pour le réseau OCM. Il fait la connaissance de Germaine Limeul et de Julia Picot, membres du réseau ALLIANCE, autre réseau de renseignement de la résistance. Cette rencontre permet d’étendre et de coordonner la collecte d’informations aux arrondissements de St Lô et de May sur Orne.
Le réseau collecte également des informations concernant le parc de matériel allemand, les dépôts de carburants, l’importance et la provenance des unités, les emplacements de terrains minés, les détails sur les fortifications. Le secteur couvert par Guillaume s’étend sur Arromanches, Grandcamp-Maisy et Isigny. Dans toutes ces activités, le cloisonnement est un gage de sécurité. Chacun travaille sur son secteur et il n’y a aucune relation entre les groupes afin d’assurer le silence en cas d’arrestation.
1944 : La délivrance
Guillaume écoute la radio anglaise quotidiennement. Il sait quels sont les messages destinés à l’informer du débarquement. « Il fait chaud à Suez » puis « les dés sont sur le tapis » font partie des annonces de la BBC qu’il attend. Le 5 juin, Mercader entend les fameux messages. Cette fois le débarquement est confirmé. Le cycliste va prévenir les plus proches responsables. Le 6 juin à l’aube l’opération Overlord débute.
Guillaume rencontre Maurice Schumann, le porte-parole de la BBC. Il reçoit également la visite du colonel Rémy. Le réseau OCM entre alors en action en sortant de l’ombre. Par groupe de deux, les combattants passent derrière les lignes allemandes dans le secteur de Caumont, Lingèvres, Littry, Balleroy. La mission est dangereuse. Le frère de Guillaume est blessé par un tir allemand.
											Photographie de la libération de Bayeux par Léon Leprunier, 1944, AD14 2FI/389
Le 14 juin, Bayeux vit un moment historique. Le colonel de Boislambert, autre figure de la résistance, vient prévenir que le Général de Gaulle arrive. A 16h arrive Pierre Koenig, le chef d’état-major du Général de Gaulle. Ce jour, l’homme du 18 juin 1940 prend le commandement du Gouvernement provisoire et s’oppose ainsi aux américains qui voulaient imposer leur hégémonie sur la France. Maurice Schumann présente Guillaume au Général.
De la libération à la découverte de l’horreur
Guillaume est détaché le 15 juin par le général Koenig et rejoint l’OSS, le service de renseignement américain. Il intègre le 12e groupe d’armée du général Patton sous les ordres du colonel David Bruce. Guillaume réalise des missions d’infiltration et participe à la libération d’Avranches, Rennes, Vannes…
Tout au long de cette période, Guillaume est déplacé entre des unités américaines, françaises et anglaises. Le 14 avril 1945, il découvre les camps de concentration et d’extermination nazis en étant l’un des premiers officiers français à entrer dans Buchenwald. Les jours suivants, il arrive dans les camps de Dora, Dachau puis Linz. À la suite de cette vision d’horreur, le capitaine Mercader émet le souhait de rentrer et retrouve sa famille au printemps 1945.
Retour à une vie ordinaire
De retour dans la région où il a résisté pendant toute la durée de l’occupation, Guillaume laisse cette période de sa vie de côté. Il prend sa retraite en 1980. C’est tardivement qu’il ressent le besoin de témoigner, un devoir de mémoire pour que la jeune génération se souvienne. Il parcourt alors les établissements scolaires pour raconter son histoire.
Il cumule de nombreuses médailles telles que la croix de Guerre de 1939-1945 avec six citations, la croix du combattant, la médaille de la résistance avec rosette. Le chevalier de la légion d’honneur Guillaume Mercader s’éteint en 2008 à l’âge de 94 ans à Bayeux où il est inhumé.
Noémie PICOT
Bibliographie
Archives du Calvados
AD14, 2AV/9, Témoignage de Guillaume Mercader recueilli par les Archives du Calvados, 1999.
Article Spécialisé
Durand Noémie, Guillaume Mercader, un héros local, Master Histoire Nanterre, 2023.