Histoire en balade

Isabeau de Bavière, une femme en politique

Elisabeth de Wittelsbach, mieux connue sous le nom d’Isabeau de Bavière, est reine de France de 1385 à 1435. Elle est l’épouse de Charles VI (1380-1422). Cette reine est connue pour la mauvaise réputation qui lui a été faite : profiteuse, avare de pouvoir, mauvaise épouse, mauvaise mère… Et pourtant, la vie d’Isabeau de Bavière n’est pas à envier et les sources montrent une autre femme. Elle perd plusieurs de ses enfants, elle est l’épouse d’un roi fou qui la bat et la rejette pendant qu’il est en crise , et elle doit concéder sa place auprès du roi à une jeune fille afin qu’elle ne reçoive plus de coups de son royal époux.

Christine de Pizan offrant son manuscrit à la reine, British library, MS Harley 4431.
Christine de Pizan offrant son manuscrit à la reine, British library, MS Harley 4431.

Entre guerre civile, guerre de Cent Ans et Schisme

La jeune reine évolue dans un contexte politique extrêmement tendu et complexe. La guerre de Cent Ans s’éternise, le schisme perdure et à cela s’ajoute une guerre civile entre deux princes de sang : le duc d’Orléans, son beau-frère,  et le duc de Bourgogne. La folie du roi qui se déclare en 1392 met le royaume de France en danger. Les princes tentent tout pour accéder au pouvoir au plus près du roi. La jeune reine se voit confier une position exceptionnelle en 1402 : elle entre au conseil du roi, et donc en politique. En 1403, elle atteint une indépendance politique qui lui permet de remplacer le roi lors de ses absences (ses crises de folie qui le rendent totalement incapable de diriger le royaume). Isabeau est assistée par le beau prince Louis d’Orléans. Il a tout pour plaire : il est brillant, cultivé, vif d’esprit et ils passent beaucoup de temps ensemble. Cela suffit pour entretenir la rumeur entre les deux jeunes gens. Pourtant la reine est toujours entourée de ses dames, il lui est donc impossible de se compromettre. De plus, le couple royal manifeste beaucoup d’affection l’un envers l’autre. Isabeau est désemparée devant la souffrance de son époux qui la rejette lors de ses crises.

En novembre 1407, elle met au monde son douzième enfant, Philippe, mort-né. La reine est profondément affectée et Louis vient lui rendre visite. Il repart le soir en pleine nuit. C’est là qu’il est sauvagement assassiné et le commanditaire n’est autre que le duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Ce meurtre enclenche la guerre entre les Armagnacs et les Bourguignons qui gangrène le royaume jusqu’en 1435. Isabeau doit passer sa vie à tenter de protéger ses enfants, de calmer les conflits et surtout elle est une femme. La reine n’a pas le pouvoir de son époux, elle n’est pas écoutée comme ce dernier et chaque rechute du roi est source de pagaille. En 1413, Paris est au bord de la révolution. La Bastille est prise et le roi se voit revêtir le capuchon des bouchers, promoteurs de la révolte. Le roi revient à lui et abroge l’ordonnance cabochienne qui mettait en place une monarchie constitutionnelle. Isabeau, pendant ce temps, se débat pour protéger son fils, Louis, dauphin de France. C’est en lui qu’elle place tous ses espoirs. Elle le forme à la politique et après la révolte cabochienne, elle fait une grande entrée dans Paris, et présente son fils au peuple.

La perte du dauphin et ses conséquences

Le jeune dauphin meurt en 1417 et tous les efforts de la reine  pour faire entrer son fils en politique s’effondrent. Son frère Jean, le suit de peu dans la mort et il ne reste plus que Charles âgé de 13 ans, le futur Charles VII. En 1417, Isabeau est enlevée par les Armagnacs à qui elle avait donné sa confiance. Il ne lui reste plus que Jean sans Peur, celui qu’elle déteste et à qui elle refuse de céder la moindre largesse depuis qu’il a fait assassiner Louis d’Orléans. Il vient la délivrer, l’emmène à Troyes et tente de négocier face aux Anglais qui ont repris énormément de territoire depuis la bataille d’Azincourt en octobre 1415. On ne saura jamais quelles étaient les véritables intentions du duc,Jean sans Peur  puisqu’il est à son tour assassiné en 1419 par l’entourage du dauphin Charles. Ce meurtre propulse les Bourguignons dans les bras du roi d’Angleterre. Henri VI impose les clauses du Traité de Troyes mais la reine boude les négociations et tente de faire attendre la signature de ce traité. Elle sait que son fils Charles se débat pour reprendre du territoire. Elle essaie de gagner du temps. Malheureusement, le roi d’Angleterre se fait menaçant et s’il n’obtient pas ce qu’il souhaite par la diplomatie, il l’obtiendra par la force. Isabeau ne peut que céder pour protéger son peuple. De plus, elle sait que le traité n’est pas applicable, que le roi ne peut céder sa couronne comme il le souhaite. Il en est dépositaire et non propriétaire, c’est-à-dire qu’il ne peut céder sa couronne comme bon lui semble. Toutefois, l’histoire garde en mémoire la signature d’Isabeau en bas de ce traité, qui a été longtemps perçu comme une trahison : La France était donnée à l’Angleterre le 21 mai 1420.

Gisants Isabeau de Bavière et de Charles VI, Saint-Denis. Crédit Photo Noémie Picot
Gisants Isabeau de Bavière et de Charles VI, Saint-Denis. Crédit Photo Noémie Picot.

Isabeau perd sa place de reine, elle n’a plus jamais de contact avec son fils Charles et vit jusqu’à sa mort dans des conditions qui ne sont pas dignes d’une reine. Elle est sous la tutelle des Anglais. Son enterrement se fait en toute discrétion, entourée de quelques dames qui lui sont restées fidèles.

Elle repose maintenant auprès de son époux, à Saint-Denis, et depuis quelques années, des historiens contribuent à revisiter la légende noire de cette reine. La reine calomniée redevient un sujet d’histoire qui permet de revisiter le rôle des femmes en politique.

Noémie PICOT

Conseils de lecture

  • Fanny Cosandey : La reine de France symbole et pouvoir : XVe-XVIIIe siècle, Editions Gallimard, 2000
  • Françoise Autrand : Charles VI, Editions Fayard, 1986
  • Christine-Rérat Maintigneux : Isabeau de Bavière, la reine la plus exécrée de France, Fayard Histoire, 2023
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