La coloration des représentations plastiques des divinités grecques : Une nécessité artistique et symbolique
La période allant du VIIe au Ier siècle av. n.è. est marquée par une effervescence artistique chez les Grecs, caractérisée par l’émergence de styles et de techniques variés. Durant cette période, la polychromie, c’est-à-dire l’utilisation de multiples couleurs sur les sculptures, les temples et les vases, joue un rôle essentiel dans la représentation des divinités et d’autres figures mythologiques. Ce texte explore l’importance de la coloration des représentations plastiques des dieux grecs, en examinant les édifices religieux, les sculptures et les objets tels que les vases. Il démontre que pour les Grecs, la couleur n’était pas un simple ornement, mais une partie intégrante de l’expérience visuelle et symbolique des œuvres.

Les temples polychromes : La couleur comme marqueur de narration et d'efficacité rituelle
Les temples grecs, élevés pour honorer les dieux, étaient souvent richement décorés de sculptures polychromes. Ces couleurs avaient une fonction narrative et symbolique, rendant les scènes mythologiques plus compréhensibles et impressionnantes. Par exemple, le temple C de Sélinonte (-550) est une illustration remarquable de cette pratique. Les métopes en terre cuite, ornant l’architrave, sont sculptées en haut relief et peintes de couleurs variées. On y trouve des représentations de la Méduse, d’Héraclès et de Persée, où chaque teinte souligne des éléments spécifiques : le rouge pour le sang jaillissant du cou tranché de la Gorgone, le marron et le beige pour la peau et les vêtements des personnages. Ces couleurs ne sont pas seulement décoratives mais servent à renforcer le caractère dramatique et sacré des scènes, soulignant la valeur rituelle des représentations et l’efficacité des offrandes.
À Athènes, l’Acropole offre d’autres exemples de polychromie utilisée pour des fins narratives et symboliques. Le fronton archaïque du temple présente Héraclès combattant Triton, avec des couleurs accentuant la dynamique de la scène : la queue de Triton, alternant entre le rouge et le noir, met en évidence le mouvement du monstre marin. Le fronton de l’olivier, représentant une jeune femme vêtue de rouge, montre que la couleur contribue à la lisibilité des scènes et à l’unité visuelle de la cité à travers ses représentations sacrées.
Le luxe privé et les espaces domestiques : La couleur comme reflet du statut et de la dévotion
La polychromie n’était pas seulement présente dans les lieux publics et religieux, mais également dans les espaces privés, comme en témoignent les trouvailles archéologiques de Délos. Dans la maison des masques, une mosaïque représentant Dionysos montre l’utilisation complexe de la couleur pour exprimer le luxe et la splendeur divine. Dionysos, dieu de la vigne et du vin, est représenté avec une palette riche : des cheveux blonds entourés de fleurs colorées, un visage nuancé de beiges et de roses, et des vêtements aux teintes vibrantes de jaune, rouge, et blanc. Cette utilisation de la couleur permet de mettre en avant la magnificence de la divinité et de ses attributs, reflétant le statut élevé de l’habitant et sa dévotion.
Les sculptures : L’importance de la polychromie dans la représentation réaliste et symbolique des dieux
Les sculptures grecques, souvent perçues aujourd’hui comme des œuvres blanches et pures, étaient en réalité richement colorées. La Dame d’Auxerre (-650 av. n.è.), probablement une déesse ou une dédicante, porte un chiton rouge grenat et bleu, avec des cheveux noirs tombant sur ses épaules à la manière égyptienne. La polychromie sur les sculptures servait à augmenter leur efficacité symbolique et narrative, en rendant les figures divines plus vivantes et proches des croyances des fidèles.
De même, la statue d’Artémis trouvée à Délos montre l’intensité de la coloration : ses cheveux bruns, sa robe aux teintes de bleu mauve et de rose fuchsia, et ses détails réalistes tels que le pelage peint du cervidé qu’elle accompagne, illustrent l’attention portée à la réalité visuelle. La polychromie permet de renforcer le lien entre le spectateur et le divin, en représentant les dieux dans toute leur splendeur et leur complexité.
Les vases : La couleur comme outil narratif et hiérarchique
Les vases grecs, surtout ceux à figures rouges, témoignent aussi de l’importance de la couleur dans l’art grec. Sur la coupe du peintre de la fonderie (-475 av. n.è.), Héphaïstos tend à Thétis un casque destiné à Achille. La hiérarchie des personnages est soulignée par l’usage des couleurs et des dimensions : Héphaïstos, en position centrale, est mis en valeur par sa taille et par les détails rouges et noirs de son environnement. La pelike à figures rouges du British Museum, représentant Artémis tuant un cervidé, utilise des contrastes pour détacher la déesse de son fond sombre, rendant la scène plus lisible et dramatisée.
Conclusion : Une polychromie essentielle pour l’art grec antique
La coloration des représentations plastiques des divinités grecques était bien plus qu’un simple ajout esthétique : elle servait à renforcer la valeur narrative des scènes, à exprimer le luxe et le statut social, et à rendre les figures divines plus accessibles et compréhensibles pour les fidèles. Les couleurs jouaient un rôle essentiel dans l’efficacité rituelle des offrandes et contribuaient à la dimension sacrée des œuvres. Pour les Grecs, la polychromie était nécessaire, car elle permettait non seulement d’embellir mais aussi de donner vie aux récits mythologiques, aux offrandes et aux représentations des dieux, créant ainsi un art profondément lié aux pratiques religieuses et culturelles de l’époque.
Noémie PICOT
Bibliographie
Jockey Philippe, Les arts de la couleur en Grèce ancienne… et ailleurs, Athènes , École française d’Athènes, 2018.