La Dame d’Auxerre
Une œuvre de l’art grec datant du VIIe siècle avant Jésus-Christ
La Dame d’Auxerre est une statue qui pourrait représenter une femme dévouée au culte. Elle est actuellement conservée au Musée du Louvre (MND 847 et Ma 3098). Elle provient d’une collection parisienne d’un sculpteur nommé Edouard Bourgoin. La collection de ce dernier est dispersée lors d’une vente aux enchères et la statuette est rachetée par Louis David qui la dépose au musée d’Auxerre. Il l’utilise comme décor d’opérette. Il se débarrasse de la statuette en la déposant au musée d’Auxerre où elle n’a jamais été répertoriée. Maxime Collignon (1894-1917), professeur d’archéologie, la voit au Musée d’Auxerre en 1907. Il l’échange contre le tableau de M. Harpignies, Torrent dans le Var et la rapporte au Musée du Louvre.
Description
La statuette mesure 65 centimètres sans plinthe et 75 centimètres avec plinthe. Du point de vue de la conservation, on peut dire qu’elle est abîmée à l’avant ainsi qu’à l’arrière. Elle est composée de trois fragments. Le premier fragment est constitué de la tête dont la partie gauche est très abîmée. Il comprend aussi le torse et la main droite. Le deuxième fragment comporte le bras droit. Le troisième fragment démarre à la taille, juste sous la ceinture, et inclut la main et la plinthe. Il nous manque la base dans laquelle s’insérait la haute plinthe. La statue est taillée dans un calcaire tendre. La femme debout pose sa main droite au niveau de sa poitrine. En position frontale cette femme est drapée.
Elle est représentée droite, la tête dans l’axe du corps. Son bras gauche est collé le long du corps alors que son bras droit se place au milieu de sa poitrine, le pouce légèrement écarté. Les doigts sont très longs. Les jambes sont jointes et on aperçoit ses orteils qui dépassent de sa tenue. La coiffure rappelle les coiffures des égyptiennes. Elle fait penser à une perruque à perles grâce aux incisions horizontales et verticales qui la caractérisent. Cette lourde coiffure cache ses oreilles avec quatre mèches parotides situées de chaque côté du visage. La longue tunique que la statue porte fait disparaître le corps. Les jambes disparaissent sous la robe fourreau. Les bras sont recouverts d’une pèlerine. Le buste est décoré d’écailles incisées. La mode crétoise est représentée par la large ceinture que porte la dame d’Auxerre. Sa jupe est décorée de rectangles emboîtés et de lignes. On peut aussi observer une forme de bracelets sur chaque poignet.
On peut affirmer que la statue était peinte. Les lignes et les rectangles tracés sur sa robe faisaient référence au labyrinthe de Dédale. Du point de vue de la sculpture elle-même, la Dame d’Auxerre est encore très proche du bloc de calcaire dont elle est extraite. On voit ici la recherche du rendu des volumes ainsi que les rondeurs de certaines parties du corps. Le haut du dos est courbé alors que la taille est très creusée. On observe un gonflement de la poitrine. Les cheveux suivent la courbe dorsale. La pèlerine et la jupe étaient peintes dans les tons mauve et rouge bordeaux. La pèlerine présente des écailles alors que la jupe présente un labyrinthe, les deux gravés. Les cheveux sont peints en noir, rappelant les perruques égyptiennes. Les bracelets dorés semblent plutôt être les bordures des manches de la tenue de la Dame d’ Auxerre. La statue appartient au style orientalisant du VIIème siècle avant JC. Elle se rattache au style dédalique. La datation est entre autres possible grâce à la tête trop grande pour le reste du corps ; les mains sont également de taille démesurée. La statue date donc de 640-620 env av JC selon le Musée du Louvre, ce qui correspond à la période du dédalique moyen. La forme de son visage encore très triangulaire qui commence seulement à prendre une apparence plus ovale ainsi que le front rétréci, le crâne plat et les yeux en amande sont aussi des critères représentatifs de cette période. Sa tenue n’est pas encore totalement définie mais on peut penser qu’elle porte soit un péplos, soit une jupe avec un corset et une pèlerine. On peut supposer que la Dame d’Auxerre provient de Crète occidentale car des fouilles récentes sur le site d’Éleutherna ont permis de mettre au jour des fragments de statues qui reproduisent le même geste que la dame d’Auxerre. On retrouve les mêmes incisions au niveau du sourcil et des paupières. La bouche, quant à elle, est coupée et la main gauche est collée le long du corps. On peut alors supposer que la Dame d’Auxerre vient du même site. Il s’agirait alors d’une korè, c’est-à-dire une petite statue funéraire marquant une tombe féminine. Cette dernière est alors une offrande. L’artiste nous est inconnu. La Dame d’Auxerre rappelle les petits kouroï, équivalents masculins, en bronze. Leurs mains sont aussi collées sur les cuisses, poings fermés. Cette statuaire typique du style dédalique est facilement reconnaissable par la perruque.
La Dame d’Auxerre ne nous apporte pas plus d’informations concernant son contexte de fabrication ainsi que sur son sculpteur mais elle témoigne d’une tentative de représentations humaines qui vont prendre un essor considérable à la fin du VIIe siècle. Les sculpteurs commencent alors à travailler des matériaux plus exigeants comme le marbre et représentent des hommes de grande taille.
Noémie PICOT
Bibliographie
- Martinez J.-L., La Dame d’Auxerre, Paris, 2000.
- Pasquier A., Martinez J.-L., 100 chefs-d’œuvre de la sculpture grecque au Louvre, Paris, 2007.