L’art paléochrétien apparaît progressivement dans le bassin méditerranéen au cours du IIIe siècle. Il résulte d’une évolution dans les pratiques religieuses, et correspond plus précisément à l’expansion du christianisme. Alors que les religions polythéistes préexistantes ont contribué à ce que les populations méditerranéennes investissent des représentations très figuratives des dieux auxquels ils croyaient, le dogme chrétien change profondément la donne.
En effet, cette nouvelle religion prône le refus de l’idolâtrie car c’est un des commandements du Décalogue dans l’Ancien Testament. Mais les chrétiens nouvellement convertis héritent de la culture classique gréco-romaine, où la relation au divin s’appuie sur des représentations imagées (sculptures, portraits peints ou réalisés en mosaïque). Même si les chrétiens sont censés s’affranchir de ce goût pour l’iconographie, ils sont tout de même influencés par les traditions polythéistes qui ont servi de repères culturels et cultuels pendant l’Antiquité.
Par conséquent, une continuité s’opère entre la production de l’art « païen » et celle de l’art paléochrétien, qui, pendant un temps, coexistent. On peut l’observer dans plusieurs registres.
											Accompagner les morts dans l’au-delà
Dans le domaine de l’art funéraire, la figuration d’êtres vivants reliés au message biblique se développe dans les catacombes, à la manière des décors romains qui figuraient dans les maisons antiques. Il s’agit de motifs figuratifs animaliers (moutons, oiseaux…) comme dans les catacombes Saint Sébastien à Rome, (cubiculum de la Villa Picola) ou humains, comme dans la catacombe de Priscille, (cubiculum de la Velatio). Les motifs observables sont dans ce cas comparables aux décors peints dans la domus aurea à Rome.
Les sarcophages sont aussi réalisés suivant l’inspiration gréco-romaine. On peut observer par exemple des reliefs marqués par le style classique de l’Antiquité sur le sarcophage de Santa Maria Antiqua à Rome. La figure de l’orante (une femme qui se tient debout avec les mains levées vers le ciel), ou celle du philosophe, sont des reprises des modèles du répertoire funéraire gréco-latin.
											La représentation du repos de Jonas est calquée sur celle du sommeil d’Endymion (un personnage mythologique grec). Les attitudes des personnages sont animées par l’effet du contrapposto, la proportion des corps et les drapés des vêtements rappellent l’idéal de beauté antique. Le Christ représenté en bon pasteur est aussi emprunté à la tradition romaine, car la figure du berger et son troupeau était très présent dans le contexte funéraire païen à Rome.
Enfin, le modèle architectural à plan centré pour des églises, des baptistères ou des mausolées, est lui aussi directement inspiré des mausolées-temples antiques, qui avaient pour fonction de rendre hommage aux défunts. L’appropriation de ce modèle par les chrétiens avait l’intérêt de pouvoir symboliser la renaissance à la vie éternelle, après la mort.
											Rassembler les croyants et célébrer les offices
S’agissant des édifices religieux, les premières églises officielles ont été bâties en adoptant la forme et les plans des basiliques civiles romaines (qui avaient une fonction commerciale, ou judiciaire), car cette fois le peuple chrétien devait pouvoir entrer dans l’église pour participer aux offices religieux. Les premiers plans, rectangulaires, offrent beaucoup de similitudes : un espace vaste, qui permet d’accueillir les nombreux fidèles, doté d’une nef centrale et de vaisseaux latéraux délimités par des colonnades. L’abside, qui, initialement dans les basiliques civiles romaines abritait une statue de l’empereur, abrite à présent le chœur où est célébrée la messe. C’est le cas par exemple à Ravenne, où l’église St Apollinaire le Neuf était initialement rectangulaire. On note par la suite l’apparition de vaisseaux transversaux : les transepts, qui ont été rajoutés pour évoquer la forme d’une croix, et donner une identité chrétienne aux bâtiments. Autre déclinaison du plan basilical : le plan cirquiforme. Il est inspiré des hippodromes romains antiques et permet de déambuler dans l’édifice sans perturber l’office. On peut observer ce type de plan dans les basiliques funéraires implantées à Rome, dans les nécropoles du suburbium (basilique Saints Pierre et Marcellin, basilique Saint Laurent, basilique Sainte Agnès…)
Au fil du temps et de l’officialisation de la religion chrétienne, les motifs figurés et les caractéristiques architecturales se sont élaborés en se dotant de leurs propres codes. Cependant l’inspiration gréco-romaine est restée présente. On peut observer cela par exemple dans les images usuelles du Christ en majesté : représenté de face, et trônant dans une attitude qui rappelle celle des empereurs romains et de Jupiter. Cette représentation de la figure du Christ, si chère aux chrétiens, perdure au fil des siècles et montre à quel point les croyants restent attachés à cette manière de communiquer.
Christine HEY
Conseils de lecture
- Caillet Jean-Pierre, L’art des temps paléochrétiens, Paris, Archétype, 2008.
 - Engemann Josef, L’art romain tardif et paléochrétien de Constantin à Justinien, Paris, Picard, 2014.