Histoire en balade

Le Groenland : une nouvelle terre de conflits

Le Groenland est aujourd’hui au cœur des crises géopolitiques et diplomatiques créées par le gouvernement de D. Trump, allant de pair avec celles liées au Canada ou encore au canal de Panama. À plusieurs reprises, le président américain a annoncé vouloir prendre le contrôle du Groenland, pays constitutif de la couronne du Danemark, citant la protection des intérêts états-uniens. En effet, les États-Unis considèrent l’ouverture de la nouvelle route commerciale du nord (grâce à la fonte des glaces) comme étant un intérêt stratégique devant être contrôlé par eux seuls. 

Aujourd’hui, la politique internationale américaine renverse l’ordre diplomatique traditionnel. Les États-Unis entrent dans une phase politique isolationniste, tout en utilisant des méthodes d’expansion impérialistes, afin d’établir des points de contrôle stratégiques autour du globe. Cette phase isolationniste n’est pas une première dans l’histoire américaine qui dans l’entre deux guerres mondiales tend à cet isolationnisme comme un enjeu national. À défaut de compter sur les alliances politiques et militaires actuelles, le 47ᵉ président des États-Unis menace quiconque se met en travers de ses projets. Au début de l’année 2025, le président n’exclut pas l’emploi de la force militaire pour s’emparer du territoire danois, mettant alors en branle l’Union européenne.

Carte montrant les espaces arctiques.
Carte montrant les espaces arctiques.

Un peu d’histoire

L’histoire du Groenland est ancienne. Les premières occupations de ce territoire glacé, commencent au Xᵉ siècle avec Erik le Rouge et ses fidèles. Il a été banni deux fois, en Scandinavie et en Islande, pour meurtre. C’est autour de 985 qu’il s’établit dans cette nouvelle contrée. Elle est inhospitalière, glacée. Toutefois, les « Vikings » qui s’y établissent sont familiers des conditions de vie difficiles. Une précision est importante, les « Vikings » ne représentent pas le peuple scandinave, mais ils sont en réalité ceux qui mènent les pillages et qui combattent. L’établissement de ces colonies au Groenland est donc très délicat, les colons étant trop peu nombreux et les ressources limitées. Pendant un temps, ils subsistent grâce au commerce avec l’Islande, en vendant surtout de l’ivoire de phoque. Ce commerce n’est pas viable, en partie à cause des dangers d’une traversée océanique. De ce fait, le Groenland est abandonné.

C’est en Europe que leur regard se tourne, où les royaumes scandinaves rivalisent pour le contrôle de la mer Baltique et de la mer du Nord, alors au cœur du commerce du nord de l’Europe. C’est au XVIIIe siècle que cette terre sauvage redevient intéressante pour les Danois, avec le commerce de la morue. En effet, à cette période, la pêche devient un élément majeur du commerce. Les espaces canadiens sont très prisés, et le Groenland est une base d’opérations parfaite. Situé entre deux mondes, il suffit d’installer de petits établissements, à même de ravitailler les marchands et les pêcheurs, pour ensuite créer une route commerciale viable entre les espaces nord-américains et scandinaves. 

La Grande route du Nord : avantages commerciaux et autres

Ce que l’on appelle la Grande Route du Nord-est un passage dans l’océan Arctique qui se libère grâce à la fonte des glaces. Ces dernières empêchent ainsi tout autre navire qu’un brise-glace de traverser pour la majeure partie de l’année, n’en faisant pas une route viable. Toutefois, la fonte des glaces amène de nouvelles opportunités pour les pays de la zone arctique qui peuvent désormais ouvrir leurs marchés via de nouveaux chemins commerciaux. Dans certains cas, cela permettrait de se délivrer de blocus maritimes, commerciaux comme politiques.

Le Groenland, par son positionnement central, dans l’océan Arctique, devient progressivement une plaque tournante de cette nouvelle route. Comme au XVIIIe siècle, ou l’île devient un point transitoire dans le commerce de la pêche à la morue, le Groenland peut également devenir un point de relais et de ravitaillement pour de potentiels sites offshores et miniers. Un rapport du Sénat datant du 2 juillet 2014 commence à prévenir sur la question, notamment en qualifiant la course aux minerais dans l’Arctique comme la nouvelle « Ruée vers l’Or ». Ces ressources sont notamment du « Zinc, fer, plomb, nickel, étain, platine, uranium, diamants, or ou encore terres rares… Les études géologiques font miroiter des richesses et l’intérêt est vif depuis plusieurs années pour les accaparer », comme expliqué dans ledit rapport.

Carte montrant les ressources présentes au Groenland, Bureau of Minerals and Petroleum.
Carte montrant les ressources présentes au Groenland, Bureau of Minerals and Petroleum.

Un enjeu militaire et géopolitique

Contrôler le Groenland n’est pas qu’un atout commercial, mais aussi militaire. En effet, quiconque possède des bases et une flotte dans la région peut de facto contrôler les entrées et sorties de cette nouvelle route du nord. Si cela peut avoir son utilité commerciale (droits de douane, embargos, etc) c’est aussi un nouveau front maritime puis terrestre qui s’ouvre pour de potentiels conflits de haute intensité. 

Par ses menaces, Donald Trump remet en question l’ordre diplomatique et géopolitique traditionnel. Il ne menace plus un pays des Rogue States (c’est-à-dire les Etats considérés comme hostiles par les Etats-Unis), mais un allié, membre de l’OTAN et de l’Union européenne. Après avoir essayé de faire rebondir avec humour les premières tentatives de Trump sur le sujet, l’Union européenne s’est vue obligée de répondre avec fermeté et unité face à cette menace pour le moins inattendue. Le commissaire européen à la Défense européenne a déclaré le 28 janvier 2025 : « Nous sommes prêts à défendre notre État membre, le Danemark ». De cette manière, la France et plusieurs autres pays de l’UE se sont dits prêts à investir militairement le Groenland, aux côtés du Danemark, pour défendre leurs alliés dans le cas extrême d’une invasion américaine. 

Si l’improbabilité d’un tel scénario nous incite à essayer d’en rire, il nous montre toutefois des changements structurels dans les relations internationales. La question de cette terre sauvage et de la souveraineté qui s’exerçait dessus et ses cinq millions d’habitants a obligé l’Europe à rouvrir celle d’une armée européenne pour remplacer l’OTAN, notamment dans le cadre d’une menace Russe toujours aussi présente à l’est.

Carte montrant la fonte des glaces dans l’espace Arctique, Météo France.
Carte montrant la fonte des glaces dans l’espace Arctique, Météo France.

Découverte au Xᵉ siècle par des Vikings exilés, cette « Terre Verte » est aujourd’hui au cœur des polémiques et des tensions internationales. Sa position géographique au cœur de la fonte des glaces, de même que les ressources enfouies sous ses glaces, posent la question de sa souveraineté. Doit-elle être liée à son histoire ? À celui qui peut s’imposer militairement ? Ou encore doit-il revenir à sa population d’en décider ? Les Groenlandais ont parlé sur le sujet : ils sont avant tout des Groenlandais, sous gouvernance danoise. L’histoire, elle aussi, parle. C’est un territoire qui est, de manière incontestée, danois. La dernière question qui reste en suspens est celle de la force. Un tel conflit est-il possible aujourd’hui ? Les États-Unis ont-ils réellement la force d’en contester l’Union européenne et ses alliés ? La diplomatie mise en place par l’Europe ces derniers mois avec les États-Unis, essaie de neutraliser ces questions, en trouvant des compromis, peut permettre à de vieux alliés de continuer sur une route paisible et commerciale.

Tim PETIT

Bibliographie

Retour en haut