Révolte en Judée et prise de Jérusalem en 70 après Jésus-Christ
La révolte en Judée éclate en 66 après J.-C., sous le règne de l’empereur Néron, dans un contexte de tensions croissantes entre les Juifs et l’administration romaine. Cette insurrection est provoquée par des abus fiscaux, des provocations religieuses et une aspiration à l’indépendance. Les Zélotes, un groupe juif, prennent les armes et chassent la garnison romaine de Jérusalem. Face à cette menace, Rome réagit rapidement : en 67, Néron envoie le général Vespasien, accompagné de son fils Titus, pour réprimer la révolte et restaurer l’ordre impérial dans la province.
L’écrasement de la révolte
Vespasien, stratège aguerri, engage une campagne militaire rigoureuse. Il reconquiert la Galilée, où se déroulent des batailles sanglantes. Parmi les chefs juifs, Joseph ben Mattathias, gouverneur de Galilée et commandant de la résistance à Jotapat, se distingue par sa défense acharnée. Mais en 67, la forteresse tombe et Joseph est capturé. Plutôt que d’être exécuté, il prédit que Vespasien deviendra empereur. Lorsque cette prophétie se réalise en 69, Vespasien l’affranchit et lui confère la citoyenneté romaine. Joseph prend alors le nom de Flavius Josèphe et devient conseiller de Titus.
Avec la mort de Néron en 68, Rome plonge dans une guerre civile connue sous le nom de l’Année des Quatre Empereurs. Vespasien, soutenu par ses légions et le préfet d’Égypte, se fait proclamer empereur en 69. La stabilisation de l’Empire passe par l’écrasement de la révolte juive, qu’il confie à Titus. En 70, Titus assiège Jérusalem pendant plusieurs mois. La ville souffre de la famine et des luttes intestines entre factions juives. Finalement, les Romains prennent d’assaut le Temple, le pillent et le détruisent par le feu. Cet événement marque une rupture profonde dans l’histoire juive, entraînant la dispersion d’une partie de la population.
Le Triomphe de Vespasien
De retour à Rome en 71, Titus et Vespasien organisent un triomphe grandiose pour célébrer leur victoire. Flavius Josèphe, désormais au service des Flaviens, relate en détail cet événement dans La Guerre des Juifs. Il décrit avec précision le faste de la cérémonie et la mise en scène du pouvoir impérial. Le triomphe se déroule selon un protocole strict : la procession défile à travers Rome sous les acclamations de la foule, passant par le Circus Maximus et se terminant au temple de Jupiter Capitolin.
Vespasien et Titus, revêtus de toges pourpres brodées d’or et couronnés de lauriers, se tiennent sur des chars triomphaux. Ils sont entourés de leurs généraux et des troupes victorieuses. La procession exhibe un impressionnant butin : des objets dérobés au Temple de Jérusalem, notamment la Ménopée d’or à sept branches et la Table des pains de proposition. Ces artefacts sacrés, déportés à Rome, illustrent la victoire sur le peuple juif et la puissance de l’Empire.
Le cortège met aussi en scène des représentations des batailles et des forteresses assiégées. Des panneaux richement ornés montrent les scènes de destruction et de massacre, rappelant la supériorité militaire romaine. Les captifs juifs, enchaînés et exhibés, renforcent cette démonstration de force. Parmi eux, Simon Bar Giora, l’un des derniers chefs de la résistance, est publiquement exécuté, marquant la fin symbolique de la rébellion.
Le triomphe flavien ne se limite pas à une simple célébration militaire ; il sert une fonction politique majeure. Il permet à Vespasien de légitimer son règne en présentant la dynastie flavienne comme restauratrice de l’ordre après le chaos de la guerre civile. En affirmant son pouvoir par un triomphe spectaculaire, il s’inscrit dans la continuité des grands empereurs. La présence de Titus et Domitien à ses côtés renforce l’idée d’une succession dynastique stable.
La propagande impériale
Ce triomphe s’ancre également dans la propagande impériale par des monuments durables. L’Arc de Titus, construit quelques années plus tard, immortalise la victoire romaine. Ses bas-reliefs dépeignent le butin du Temple et les captifs juifs, symbolisant la soumission de la Judée. De plus, le Colisée, financé par le butin de la guerre, devient un autre outil de propagande flavienne, illustrant la grandeur de l’Empire.
Flavius Josèphe, bien qu’intégré à la sphère romaine, exprime dans ses écrits une certaine ambivalence. S’il glorifie Titus et Vespasien, il conserve un regard mélancolique sur le sort de son peuple. Son témoignage, bien que favorable aux Romains, demeure une source essentielle pour comprendre la guerre de Judée et les traditions juives. Son récit est corroboré par d’autres sources antiques, comme Suétone et Dion Cassius, ainsi que par les vestiges archéologiques.
La prise de Jérusalem en 70 et le triomphe flavien en 71 marquent une étape cruciale dans l’histoire de Rome et du monde juif. La célébration de cette victoire ne répond pas seulement à une logique militaire, mais s’inscrit dans une stratégie politique visant à asseoir le pouvoir des Flaviens. La destruction du Temple et la dispersion des Juifs auront des conséquences profondes et durables. Le triomphe flavien, par sa splendeur et sa symbolique, illustre comment Rome utilisait la guerre et ses représentations pour affirmer sa puissance et consolider son hégémonie.
Noémie PICOT
Bibliographie
- Briand-Ponsart Claude, Hurlet Frédéric, L’Empire romain d’Auguste à Domitien, Paris Armand Colin, 2019.
- Suétone, La vie des douze Césars, Paris, Folio Classique, 2018.