Diego Velázquez (1599-1660) est un peintre espagnol du XVIIe siècle. Ce peintre de cour est aussi appelé le Maître de Séville en référence à sa ville natale située dans le sud de l’Espagne. Entre influences artistiques italiennes et sa rencontre avec Rubens, Velázquez est l’un des artistes de l’âge d’or espagnol. De l’art religieux aux portraits, quel est l’apport de Velázquez dans l’art espagnol du XVIIe siècle ?

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Le bodegón
Velázquez entre à treize ans dans l’atelier de Francisco de Herrera le Vieux. Puis un an plus tard, il entre dans celui de Francisco Pacheco. Ces deux peintres suivaient l’enseignement de l’Italie du XVIe siècle : le maniérisme. Velázquez refuse de passer son temps à copier les Grands Maîtres italiens et c’est avec son second professeur qu’il parvient à explorer sa propre identité artistique. Ces premières compositions appartiennent au genre du bodegón, œuvres mélangeant scènes de genre et natures mortes. Dans Le Marchand d’eau de Séville datant de 1621 (Londres, Wellington Museum), Velázquez utilise à la fois le clair-obscur inhérent au genre ainsi qu’une lumière proche de celle du Caravage.

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Le baroque
La première œuvre intégralement baroque de l’artiste est L’Imposition de la chasuble à saint Ildefonse (1620, Séville, mairie). Art de la Contre-Réforme, l’art du baroque espagnol est un art dont les sujets sont religieux. Ildefonse de Tolède, archevêque de Tolède de 657 à 667, fut canonisé notamment pour avoir défendu la virginité perpétuelle de Marie. Cette peinture représente la Vierge lui accordant le chasuble, symbole de charité et d’amour divin. Cette représentation rompt avec la tradition espagnole évoquant le sujet. Velázquez s’oppose, ici, aux leçons italiennes dont les œuvres du maître de saint Ildefonse ou de Sánchez Cotán sont imprégnées. Selon Elie Faure, les maîtres espagnols ont la capacité de brutalement transposer les mythes religieux dans la réalité la plus immédiate, ce dont témoigne cette peinture. La scène plus intime rappelle les œuvres religieuses du Caravage empruntent de naturalisme et d’expressivité.

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Velázquez à la cour de Philippe IV
Dès 1623, Velázquez devient le seul peintre officiel à la cour du roi d’Espagne Philippe IV (1621-1665). L’adoration du souverain pour l’art du peintre est tel que Velázquez n’effectuera dès lors que des commandes royales qui ne seront que des portraits. Ainsi, cette reconnaissance n’a pas amélioré les conditions de vie de l’artiste puisqu’il passa la majorité de sa vie entre les domestiques sans avoir la liberté d’exprimer son talent créateur comme il était capable de faire lorsqu’il était l’élève de Francisco Pacheco.

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Les portraits baroques et néo-vénitiens
L’une des premières œuvres de l’artiste à la cour est le portrait de Philippe IV en armure datant de 1628 (Madrid, musée du Prado). L’expressivité du roi est rendue grâce à une utilisation des couleurs proche de celle du Titien, les touches lumineuses accentuant la couleur. Pour sculpter la figure, le peintre utilise le clair-obscur, leçon tout à fait caravagesque. Une certaine mélancolie, caractéristique de l’art de Velázquez, se dégage de ce portrait.
En 1628, Pierre Paul Rubens arrive à Madrid pour des raisons diplomatiques. Ce peintre du baroque flamand va partager un atelier avec Velázquez qui va le guider à travers les collections royales de Philippe IV. Grâce à Rubens, Velázquez va approfondir son étude des œuvres néo-vénitiennes du Titien.

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Les voyages en Italie
Convaincu par Rubens, Velázquez se rend en Italie en 1629. Logeant dans la Villa Médicis, il copie les Grands Maîtres italiens malgré son refus initial. Il y étudie l’anatomie et la musculature des figures suivant Michel-Ange et Raphaël. Il étudie aussi la lumière italienne et peint à l’extérieur malgré sa réputation de peintre d’atelier.
En 1649, il entame son second voyage sur ordre de Philippe IV. Il produit la Vénus à son miroir (1647-1651, Londres, National Gallery), aboutissement de son étude des œuvres italiennes et du Titien. Elle reprend d’une part la Vénus d’Urbin (1538, Florence, musée des Offices) pour sa position allongée et sa nudité totale, et d’autre part la Vénus au miroir (v.1555, Washington, National Gallery of Art) pour le sujet.
Postérité
L’étude de l’expression et de l’individualité des figures dans ses portraits va laisser une empreinte sur l’art romantique européen, au XVIIIe siècle, notamment à travers les œuvres de Thomas Lawrence.
Francis Bacon reconnaît également le travail de représentation des émotions de Velázquez au point de faire une obsession sur une de ces œuvres. Le Portrait du pape Innocent X (1650, Rome, Galerie Doria Pamphili) est repris par Bacon dans son Etude d’après le portrait du Pape Innocent X de Velázquez (1953, Des Moines Art Center).
Velázquez est un peintre qui par ses œuvres a pu partager la leçon caravagesque en plus de l’avoir adaptée spécifiquement dans le genre du portrait. Ses œuvres se reconnaissent par l’émanation de la psychologie des personnages à travers l’étude des profondeurs émotionnelles. Ses représentations fidèles de l’humanité et de la personnalité des sujets lui ont valu une certaine reconnaissance de son travail. Au XVIIe siècle, les activités manuelles ne sont pas reconnues comme des activités artistiques nobles à l’image de la littérature, la poésie ou la philosophie. Il obtiendra cependant un titre de noblesse en 1658, après un passage au tribunal. Il intégrera l’ordre des chevaliers de Santiago, deux ans avant de mourir subitement d’une maladie.
Avec peu de liberté artistique, Velázquez a contribué par ses peintures religieuses et ses portraits royaux à l’art du baroque espagnol.
Chloé BANULS
Bibliographie
- Dossier pédagogique Grand Palais, Velázquez, catalogue d’exposition, 25 mars – 13 juillet 2015, Editions de la réunion des musées nationaux, 2015.
- Tomaso Montanari, Vélasquez et l’art du portrait baroque, Les Grands Maîtres de l’art, Le Figaro, 2008.
- Elie Faure, Velazquez, Editions des Equateurs, 1ère édition en 1903, réédition en 2015.
- Dir. Eileen Romano, Vélasquez, Les Classiques de l’art, Editions Flammarion, 2006.