XIe-XIIIe siècles : la recherche de la paix en Occident
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- Histoire Moyen Âge, Paix au Moyen Âge
- 01/02/2025
Du XIe au XIIIe siècle, l’Occident connaît d’importantes mutations politiques, sociales et religieuses. Cette période est marquée par la recherche de la paix à travers divers acteurs et institutions qui, à des échelles variées, s’efforcent d’établir un ordre stable malgré les nombreuses tensions.
Le XIe siècle : un morcellement territorial hérité des Carolingiens
Le XIe siècle débute avec un morcellement extrême des territoires, conséquence de l’effondrement de l’empire carolingien et du pouvoir royal éclaté. Les seigneurs locaux dominent, notamment les grandes familles comme celle de Guillaume d’Aquitaine. Les châteaux, souvent érigés sans autorisation royale, deviennent symboles de cette fragmentation. Dans ce contexte anarchique, des expéditions militaires privées ont lieu, comme la conquête de l’Angleterre par le duc Guillaume de Normandie en 1066, et celle du sud de l’Italie par les Normands, dirigée par Robert Guiscard et son frère Roger. Ces conquêtes établissent un nouvel équilibre en Italie du Sud.
L’Empire germanique, dirigé par les Saliens, se distingue comme la puissance dominante de cette époque. S’étendant sur une grande partie de l’Europe, l’empereur contrôle les ducs, les évêchés et les abbayes pour asseoir son pouvoir, bien qu’il rencontre des résistances en Italie. Le pape, nommé et destitué par l’empereur, doit être contrôlé pour assurer la stabilité impériale. En parallèle, les royaumes chrétiens entament la reconquête de la péninsule ibérique sur les musulmans, éclatant le territoire en de nombreux royaumes.
En France, les premiers Capétiens commencent à étendre légèrement leur domaine, mais le pouvoir royal reste limité. Le sacre et les traditions religieuses confèrent aux Capétiens une légitimité unique, renforcée par l’instauration de l’hérédité du pouvoir et le soutien de l’Église. Malgré tout, les conflits armés sont fréquents, comme en Normandie où le roi de France intervient pour rétablir l’ordre ducal.
L’Église joue un rôle central dans la pacification du XIe siècle en instaurant des règles pour limiter la violence, comme la Trêve et la Paix de Dieu, visant à protéger les civils et restreindre les combats à certains jours. Ces mouvements sont soutenus par les moines clunisiens, qui œuvrent pour une christianisation et une pacification des sociétés locales.
Le XIIe siècle : expérimentations politiques et affermissement des pouvoirs
Au XIIe siècle, l’Empire germanique est dirigé par les Hohenstaufen, avec Frédéric Barberousse comme figure dominante. Son règne est marqué par une politique d’affirmation impériale en Italie, bien qu’il rencontre des résistances des cités italiennes et de la papauté. Frédéric II, son successeur, poursuit ces ambitions mais doit faire face à des défis constants, notamment avec la papauté, qui s’oppose à son contrôle sur l’Italie du nord.
En Angleterre, l’ascension des Plantagenêts crée un empire anglo-normand, qui finit par s’effondrer sous la pression capétienne. Henri II instaure un gouvernement efficace, mais ses conflits avec ses fils affaiblissent son pouvoir. Philippe Auguste, roi de France, profite de cette situation pour reprendre de vastes territoires aux Plantagenêts, notamment la Normandie, consolidant ainsi le pouvoir capétien.
La montée des villes et des communautés urbaines marque également le XIIe siècle. Les cités négocient des chartes de franchise avec les seigneurs pour obtenir plus d’autonomie, et les marchands s’organisent en communautés pour protéger leurs intérêts économiques. Ces nouvelles formes d’organisation contribuent à un apaisement relatif des tensions sociales et politiques.
Les Capétiens, quant à eux, renforcent progressivement leur pouvoir royal en récupérant des territoires et en imposant leur souveraineté sur les grands seigneurs. Louis VI et Louis VII posent les bases de la dynastie capétienne en consolidant le domaine royal et en instaurant des pratiques qui limitent les guerres privées. Philippe Auguste poursuit cette œuvre en augmentant considérablement les terres sous contrôle direct de la couronne.
L’Église continue à jouer un rôle majeur en instaurant des pratiques visant à juguler la violence, tout en soutenant les Capétiens dans leur quête de pouvoir. La réforme grégorienne continue de remodeler les relations entre l’Église et les pouvoirs laïcs, renforçant le rôle moral de l’institution ecclésiastique dans la société médiévale.
Le XIIIe siècle : le renforcement du royaume de France et l’affaiblissement des rivaux
Au XIIIe siècle, l’Empire germanique s’affaiblit avec la mort de Frédéric II, laissant place à une période d’interrègne et à des conflits internes qui diminuent considérablement son influence en Europe. Les luttes entre l’Empire et la papauté pour le contrôle de l’Italie conduisent à la fragmentation du pouvoir impérial.
En Angleterre, la monarchie doit faire face à des révoltes internes des barons, affaiblissant le pouvoir royal. Jean Sans Terre perd la majorité de ses terres continentales face à Philippe Auguste, ce qui pousse la couronne anglaise à se replier sur ses îles et à consolider ses institutions en réaction à ces défaites.
En France, le règne de Louis IX marque l’apogée du pouvoir capétien. Surnommé Saint Louis, il s’efforce d’instaurer la paix par le renforcement de la justice royale, qui supplante progressivement la justice seigneuriale. Louis IX interdit les guerres privées, contrôle l’usage des armes, et développe le Parlement pour régler les litiges de ses sujets. Cette centralisation judiciaire contribue à l’affermissement de l’autorité royale sur l’ensemble du royaume.
L’Église, quant à elle, poursuit ses efforts pour imposer l’ordre moral en Europe. Face aux hérésies du sud de la France, l’Église organise des campagnes de répression, telles que la croisade contre les Albigeois, et instaure l’Inquisition pour combattre les dissidences religieuses. Ces actions montrent la détermination de l’Église à maintenir l’unité chrétienne et à s’imposer comme garante de la paix spirituelle.
Une difficile mise en place de la paix
Du XIe au XIIIe siècle, la recherche de la paix en Occident se manifeste à travers des efforts multiples et variés. Le XIe siècle est marqué par une domination seigneuriale et une Église tentant de restreindre la violence. Le XIIe siècle voit des expérimentations politiques et une expansion du domaine royal français, tandis que le XIIIe siècle est celui de l’épanouissement du pouvoir capétien et du renforcement de la justice royale. Ces évolutions montrent une lente mais déterminée quête de paix à travers le renforcement des institutions et la centralisation des pouvoirs, qui posent les bases de l’État moderne.
Noémie PICOT
Conseils de lecture
- Offenstadt Nicolas, Faire la paix au Moyen-Âge, Paris, Odile Jacob Histoire, 2007.
- Balard Jean-Michel, Genet Jean-Philippe, Rouche Michel, Le Moyen Âge en Occident, Paris, Hachette histoire, 2011.